Songeant à ce qui s’est passé depuis janvier, je peux dire sans me tromper que 2020 a été une année de transformations et de bouleversements. Les infirmières/infirmiers et les personnes qui les forment ont débuté l’année en planifiant les célébrations de l’Année internationale du personnel infirmier et des sages-femmes. De fait, la profession infirmière a été en vedette cette année – mais pas comme nous l’avions imaginé. La pandémie de COVID-19 a mis en lumière le rôle essentiel du personnel infirmier dans la prestation des soins de santé à l’échelle mondiale. Elle nous a aussi amenés à remettre en question bien des pratiques tenues pour admises et des « évidences » dans la pratique et les études infirmières.
Vous trouverez ici quelques opinions et observations que j’émets à titre de doyenne d’une faculté de sciences infirmières. Je réfléchis aux défis et aux possibilités que crée la situation actuelle, alors que nous devons poursuivre notre mission d’offrir des programmes de formation de grande qualité qui prépareront les infirmières et infirmiers à affronter les réalités des soins de santé d’aujourd’hui et de demain.
Le vendredi 13 mars 2020, l’Université de Calgary a annulé tous les cours de la journée et indiqué aux professeurs qu’ils devraient dispenser leurs cours en ligne à partir du lundi 16 mars. Pratiquement en un clin d’œil, nos réalités éducatives et psychologiques venaient de changer. À quelques jours près, la même situation a été vécue dans toutes les écoles de sciences infirmières du pays. L’apprentissage clinique a également été interrompu, tant pour protéger les apprenants et leurs professeurs que pour permettre aux établissements cliniques de se préparer à accueillir un nombre grandissant de patients atteints de la COVID-19.
Aux premiers jours du confinement, j’ai été frappée par le dévouement, la résilience et le cran de nos collègues qui enseignent les sciences infirmières. Nous avons rapidement pivoté vers l’enseignement en ligne que nous avons tant bien que mal réussi à dispenser. Nous fonctionnions en mode de crise et l’adrénaline était à son maximum!
La fin de la session d’hiver a laissé peu de place aux célébrations – nous devions nous organiser pour la session printemps-été. Ayant un peu plus de temps pour planifier et réfléchir à ce que nous ferions, nous avons mobilisé toutes les ressources à notre disposition pour mettre au point un enseignement et un apprentissage en ligne rigoureux sur le plan pédagogique en nous fondant sur des données probantes.
Il ne s’agissait pas simplement de changer la façon de donner des cours théoriques. Il fallait aussi envisager l’apprentissage par simulation virtuelle et l’apprentissage clinique à distance (télésanté). Dans certaines régions du pays, les occasions d’apprentissage clinique étaient inexistantes. Ailleurs, l’apprentissage clinique a dû être adapté et prendre la forme de stages qui auraient auparavant été considérés non traditionnels. Cette situation a également remis en question la nature de la formation clinique et le nombre d’heures qu’il faut lui consacrer dans les programmes de sciences infirmières :
Alors que notre parcours d’apprentissage se poursuit dans le contexte de la COVID-19 à l’automne 2020, notre corps professoral et nos étudiantes/étudiants sont de plus en plus à l’aise avec l’enseignement et l’apprentissage virtuels et en ligne, à tel point que plusieurs de nos anciennes façons de faire seront modifiées à jamais.
Cependant, la COVID-19 continue de poser de nouveaux défis, et l’évolution rapide de la situation (éclosions, deuxième vague) entraîne une lassitude à l’égard de la COVID et des changements incessants, en plus d’engendrer une problématique de santé mentale. Comment gérer ces problèmes? Quels soutiens et ressources pouvons-nous mobiliser et élaborer pour assurer notre santé et notre résilience et celles de nos étudiantes/étudiants? Ces préoccupations ne disparaîtront pas de sitôt puisque la pandémie durera vraisemblablement jusque tard en 2021. Face à cette crise, nous devons abandonner l’attitude des sprinters pour adopter plus tôt celle des ultra-marathoniens!
Enfin, je pense à notre toute nouvelle cohorte de diplômés – ces infirmières/infirmiers qui ont débuté leur carrière dans des circonstances pour le moins atypiques. Comment ces personnes font-elles leurs premiers pas dans la profession au milieu du chaos et de l’incertitude qui règnent dans les soins de santé? Dans quelle mesure le système de santé peut-il faciliter leur transition vers la pratique? Et en quoi les écoles de sciences infirmières peuvent-elles et doivent-elles aider leurs diplômés à opérer cette transition? Enfin, comment pouvons-nous impliquer les autorités de réglementation et les organismes professionnels dans la création des soutiens dont nos infirmières/infirmiers novices auront besoin?
Une chose est certaine – il n’est plus possible ou plus suffisant de faire comme par le passé pour répondre à la complexité croissante de cette étape formatrice cruciale dans une carrière infirmière. Il nous faut de nouvelles structures, de nouveau partenariats et des innovations pour garantir aux infirmières/infirmiers débutants le soutien nécessaire pour s’épanouir au milieu du chaos. Ensemble, les sites de pratique, établissements d’enseignement, autorités de réglementation et organismes professionnels doivent s’engager à doter les infirmières et infirmiers novices de l’assurance et de la compétence qui leur permettront de traverser la crise actuelle et de devenir les leaders résilients dont dépend l’avenir de la profession infirmière et des soins de santé.