Bien que les hommes constituent environ la moitié de la population, ils ne représentaient que 1 % du personnel infirmier américain en 1960, 4,1 % en 1980, 7,6 % en l’an 2000 et environ 10 % aujourd’hui. Y a-t-il une raison pour cette forte disparité? En a-t-il toujours été ainsi?
En préparant mon mémoire de maîtrise sur la présence masculine dans la profession infirmière, j’ai découvert des faits largement ignorés dans les manuels de sciences infirmières et j’aimerais vous en faire part.
Le saviez-vous?
Saviez-vous qu’avant la phase moderne des soins infirmiers inaugurée par Florence Nightingale dans les années 1850, les hommes dispensaient des soins depuis la plus haute antiquité? Dans la Rome antique, des infirmiers appelés « nosocomi (1) » soignaient les soldats blessés dans des hôpitaux militaires. Ils ne devaient pas très bien travailler, puisque c’est d’eux que vient l’adjectif nosocomial qui désigne les infections contractées à l’hôpital!
Les hommes étaient aussi les principaux soignants dans la Grèce antique, quand Hippocrate a fondé la médecine moderne au quatrième siècle avant notre ère. Par ailleurs, ce n’est pas une coïncidence que Jésus ait parlé d’un homme dans la parabole du bon Samaritain qui a prodigué un traitement salvateur à un blessé qui gisait dans un fossé.
Dans l’Église chrétienne primitive, des diacres masculins étaient responsables de prendre soin des malades (2). Durant l’ère chrétienne, les moines et les chevaliers membres des ordres religieux militaires se sont occupés des malades, des blessés et des mourants du troisième siècle jusqu’à la dissolution des ordres monastiques au seizième siècle. Bien des hommes ont risqué, voire perdu leur vie en soignant les victimes de la peste (2).
Florence : pas « fan » des infirmiers
Quand Florence Nightingale a jeté les bases de la profession infirmière moderne dans les années 1850, elle a décidé de la réserver aux femmes. Les hommes étaient exclus de son programme d’études de trois ans en sciences infirmières (5). Ils n’étaient les bienvenus que là où on avait besoin de leur force physique, c’est-à-dire dans les asiles d’aliénés avant les antipsychotiques.
C’est la principale raison pour laquelle on a associé les hommes aux soins des personnes souffrant de maladie mentale dans un cadre psychiatrique. Pour travailler dans les asiles, les hommes recevaient une formation inférieure à celle des femmes dans les écoles de Florence Nightingale (3). Ils n’avaient pas le droit d’intervenir dans les soins hospitaliers généraux. Un homme qui manifestait le désir de se perfectionner dans un domaine comme la santé maternelle et infantile était perçu comme déviant et menacé d’expulsion (2). Hélas, cette présomption de déviance envers les infirmiers qui choisissent de travailler en maternité n’a pas entièrement disparu, si j’en crois un de mes collègues qui a été infirmier obstétricien.
Les origines de la Croix-Rouge
La croix rouge, symbole universel des soins de santé, vient de l’ordre monastique masculin des Camilliens, fondé au seizième siècle par saint Camille de Lellis pour servir l’humanité en soignant les malades et les mourants à Rome (1).
C’était hier
Le préjugé contre les infirmiers s’est perpétué après Florence Nightingale et a traversé l’Atlantique pour s’implanter aux États-Unis. On en trouve des exemples dans la littérature scientifique :
C’est aujourd’hui : Barrières culturelles
Stéréotypes d’hommes homosexuels/efféminés…vous vous souvenez de GAYlord Furniker dans le film « La Belle-Famille »? (Visionnez la séquence YouTube ci-dessous pour voir cette scène et d’autres exemples de stéréotypes sexistes dans les médias). Ce stéréotype explique en partie que bien des étudiants en sciences infirmières entament une seconde carrière ou soient plus âgés.
Image féminine de la profession infirmière et prédominance de l’appellation… INFIRMIÈRE. Le fait que les membres de la profession soient généralement désignés sous le nom d’infirmières peut détourner certains hommes d’un métier qui semble incompatible avec la virilité.
Le nom a de l’importance. Dans une étude auprès de 100 étudiants masculins à l’école secondaire, le nombre de ceux qui envisageraient une carrière en soins infirmiers passait de six à vingt-et-un quand on remplaçait le mot infirmière par le mot clinicien (3).
Barrières dans les études
Des articles scientifiques continuent de décrire les difficultés particulières que les hommes doivent affronter dans le cadre de leurs études infirmières. Les barrières sont les suivantes :
Peu ou pas d’histoire des infirmiers dans les manuels. L’histoire des infirmiers que j’ai présentée plus haut est tirée d’articles spécialisés. Dans les manuels généraux de sciences infirmières, on fait commencer l’histoire de la profession avec Florence Nightingale sans aborder la contribution antérieure des hommes aux soins infirmiers. Or, l’histoire a son importance. L’héritage laissé par les soignants du passé est une source d’inspiration pour les jeunes étudiants d’aujourd’hui.
Les hommes soignent autrement. On a souvent l’idée que les hommes sont moins capables d’empathie et de bienveillance que les femmes. Or, les hommes sont bienveillants, mais ils le communiquent autrement. Souvent, les hommes vont faire preuve d’empathie avec leurs patients au moyen de l’humour. Surveillez vos étudiants et vous constaterez que les hommes utilisent fréquemment cette approche de préférence au toucher qui vient naturellement à bien des femmes dans un cadre de soins.
Absence de conseils sur le toucher dans le cadre des soins intimes. Les infirmiers et les étudiants savent qu’ils sont extrêmement vulnérables lorsqu’ils doivent dispenser des soins dans la région du périnée ou insérer un cathéter urinaire à une patiente. Cette préoccupation est bien documentée dans la littérature scientifique, mais elle n’est pas abordée dans la majorité des manuels généraux de sciences infirmières. Il faut apprendre aux étudiants à poser ces gestes avec assurance en faisant preuve de professionnalisme. Il faut leur apprendre à demander la permission de dispenser des soins intimes et à préserver le plus possible l’intimité des patientes.
Manque de modèles/sentiments d’isolement/solitude (4). Les hommes étant actuellement minoritaires dans la profession et dans les écoles infirmières, ils ont tendance à se sentir isolés et solitaires et, dans certains cas, ils manquent de soutien. Ceci mène à l’ambivalence. Pour cette raison, les hommes ont un des taux d’abandon les plus élevés dans les études infirmières.
Mesures à prendre
Pour pallier à la pénurie actuelle et future de personnel infirmier, la profession doit devenir beaucoup plus inclusive et accueillante envers la diversité, ce qui inclut une participation accrue des minorités ethniques et des hommes dans les métiers infirmiers. Les hommes forment le groupe le plus sous-représenté dans la profession. Il faut songer à prendre les mesures suivantes pour relever les défis qui continuent de freiner la réussite des hommes dans les études infirmières :
Liens utiles
Pour que les enseignants puissent mieux comprendre ce dont il a été brièvement question dans cette page web, je vous encourage à consulter les ressources suivantes qui vous permettront de mettre en œuvre les changements nécessaires pour guider et soutenir les hommes qui étudient en sciences infirmières.
Stéréotypes véhiculés par les médias sur les infirmiers
Male Nurse Stereotype Announcement
Références
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